lundi 7 décembre 2009

"La débâcle de la banquise" par Sofian / Aimé /Radoslav



Nous avons choisi cet article tiré du journal Le Monde (20.12.08) sur la débâcle de la banquise. Ce phénomène lié au réchauffement climatique dû à l’émission de gaz à effet de serre va en effet modifier la vie sur la planète au cours de ce XXIème siècle.
L’endroit où les signes du réchauffement climatique sont les plus évidents est la banquise qui voit sa surface et son épaisseur diminuer de façon rapide. La perte de glace estivale a des répercussions en cascade : elle engendre l’augmentation du niveau de la mer et de la température de la basse atmosphère. Cette augmentation pourrait être d’environ 3°C à la fin du siècle et de 7°C en arctique. L’océan, plus sombre que la banquise, absorbe, en été, les rayons solaires qui étaient auparavant réfléchis. Cette énergie est en partie restituée, en automne, à la basse atmosphère empêchant ainsi la formation de nouvelles glaces. La réduction de la banquise affecte aussi les terres émergées comme le Groenland dont la période estivale de fonte des glaciers est passée de 15 à 35 jours. De ce fait, le permafrost (sol gelé en permanence) s’est fragilisé et il s’en suit une déstabilisation des hydrates de méthane reposant sur le plancher océanique. On note aussi une concentration très importante de méthane, puissant gaz à effet de serre, dans les eaux de surface de la mer de Sibérie. Les scientifiques avaient prévu tous ces phénomènes mais ils ne les attendaient pas aussi tôt.

Article original:
La débâcle de la banquise a commencé Journal Le Monde (décembre 2009)

Cette perte de glace estivale a des répercussions en cascade
San Francisco Envoyé spécial

Les hautes latitudes de l'hémisphère Nord se réchauffent et se transforment, à marche forcée. Les dernières observations de l’Arctique, rendues publiques à San Francisco (Californie) au congrès de l’automne de l'American Geophysical Union (AGU), suggèrent que les effets de ce que les scientifiques nomment «l’amplification arctique » sont désormais tangibles.
Le signe le plus évident du changement rapide en cours est la diminution de la surface de la banquise. Celle-ci se rétracte de manière saisonnière, tous les étés, avant de s'étendre à nouveau au cours de l'hiver. Mais en septembre 2007, puis en septembre 2008, la glace de mer arctique a connu deux minimums jamais atteints. «En septembre 2007, elle a été de 26 % inférieure à celle de l'année précédente, explique Julienne Stroeve (National Snow and Ice Data Center). Et 2008 a été presque aussi mauvais. »
Cette perte de glace estivale a des répercussions en cascade. En réana¬lysant les données satellites obtenues entre 1979 et 2007, Mme Stroe¬ve a observé que les températures de la basse atmosphère ont eu tendance à être de plus en plus élevées en automne. Pourquoi ? L'absence de glace expose l'océan, plus sombre, aux rayons du soleil ; la mer absorbe ainsi une énergie qui, auparavant, était réfléchie. «Et en automne, alors que la glace se reforme, une grande partie de la chaleur absorbée par l'océan en été est restituée à l'atmosphère, ce qui entrave la formation de nouvelles glaces», précise Mme Stroeve. Ainsi, en 2008, malgré une année plutôt fraîche, les anomalies chaudes en Arctique sont demeurées importantes.
Amplification arctique
Cette amplification locale du réchauffement était prévue par tous les modèles numériques utilisés par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) : pour un réchauffe-ment moyen de 3 degrés à la fin du siècle, les modèles prévoient une augmentation des températures de 7 °C dans la zone arctique. « Ce qui arrive était prévu, mais on ne l'attendait pas aussi tôt », résume la chercheuse.
Elément déclencheur de l'amplification arctique, la réduction de la banquise estivale affecte également les terres émergées de la région. Et en particulier le Groenland, dont la réduction des glaces semble être corrélée à celle de la banquise. Dans les régions les plus septentrionales de l'inlandsis, la période de fonte estivale des glaciers, habituellement comprise entre dix et quinze jours, s'est étendue sur près de trente-cinq jours cet été. « Dans une zone située à l’extrême nord du Groenland, c'est quelque chose que nous n'attendions pas », explique Marco Tedesco (City Collège of New York), coauteur de ces observations par satellite.
Autre conséquence des changements accélérés de la région : la fragilisation du permafrost et la possible déstabilisation des hydrates de méthane (ou clathrates) qui reposent sur le plancher océanique. Or ce sont des réserves considérables de carbone organique - de l'ordre de 1000 milliards de tonnes pour la zone arctique - dont le dégazage aurait de graves conséquences climatiques.
Dégazage d'hydrates de méthane
Ce dégazage est-il en cours ? Une expédition océanographique russo-américano-suédoise a, au cours de l'été, longé la côte russe, depuis la mer de Barents jusqu'aux confins de la mer de Sibérie orientale et de la mer de Chukchi. Plus de 1000 prélèvements des eaux de surface ont été effectués par les océanographes qui ont noté des concentrations très importantes de méthane, un puissant gaz à effet de serre.
« Parfois jusqu'à 100 à 200 fois les valeurs de fond», souligne Igor Semitelov (International Arctic Research Center, université d'Alaska). Cela suggère que la région joue de moins en moins bien son rôle de séquestration du carbone qu'elle stocke depuis des dizaines de milliers d'années. Mais il n'y a cependant pas de surveillance continue du méthane dans la zone et il est difficile d'évaluer l'importance de ces mesures.
Un rapport américain dressant l’état des connaissances sur les changements climatiques abrupts –dont une cause possible est précisément le dégazage de ces fameux hydrates de méthane- estime pour sa part « très improbable » une telle éventualité au cours du siècle.
Stéphane Foucart

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